La gauche en question (1)

Mots-clés : Partis politiques - crise

18 Mai 2017  • Henri Rey

La Gauche Aujourd’hui : quels approches du politique aujourd’hui ?
Les diverses élections et consultations démocratiques en cours en France, en Europe et dans le monde, portent à chaque fois sur des enjeux spécifiques, mais elles ont en commun de faire apparaître un certain nombre de problématiques fondamentales qui méritent d’être débattues : la crise des partis de gouvernement et de façon plus générale la distance entre les citoyens et les partis, la montée des partis autoritaires, la possibilité ou non de constructions alternatives aux systèmes actuels…

Henri Rey est directeur de recherches à Sciences po. Ses recherches portent notamment sur les comportements politiques et le militantisme de partI. Les enquêtes menées depuis 30 ans montrent une crise des partis à plusieurs niveaux : une crise de confiance et de crédibilité (la méfiance à l’égard des partis est le sentiment dominant), une crise de légitimité (le citoyen est de plus en plus critique, l’exécutif de plus en plus impopulaire), une crise d’efficacité (les partis apparaissent moins dynamiques et mobilisateurs que les syndicats, les associations, les mouvements émergents).

La crise de l’identité de la Gauche apparaît d’autant plus forte que les anciennes formes d’alliance (du type « Gauche plurielle ») n’apparaisent plus possibles aujourd’hui, compte tenu des failles du personnel politique et surtout de l’inexistence d’un projet poltique spécifique ; la Gauche ne parvient plus à se distinguer d’un « centrisme européen », à être associée à l’idée de possibilités de conquêtes pour les travailleurs. D’où la rupture avec les ouvriers, rupture qui s’étend aujourd’hui à d’autres catégories, classes moyennes et cadres notamment.

Les voies explorées par les nouveaux mouvements ont promu des réflexions intéressantes, réactivé des utopies, mais ont montré plus des volontés de résistance que de capacités à construire une alternative à l’économie néo-libérale mondialisée.

Henri REY est directeur de recherches au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po – Paris). Ses recherches portent principalement sur les comportements politiques dans les périphéries urbaines, le militantisme partisan et la démocratie participative.

La gauche en question (2)

Mots-clés : Italie, Mouvement 5Etoiles, Partis politiques - crise

18 Mai 2017  • Piero Ignazi

La gauche en question : Quelles approches de la politique aujourd’hui ?
Piero Ignazi est professeur au Département des sciences politiques et sociales de l’Université de Bologne. Il observe que la crise des partis politiques que nous vivons aujourd’hui en Europe succède à un âge d’or : dans les années cinquante, après la 2° Guerre, les partis étaient à leur apogée : ils témoignaient alors du retour en Europe de la démocratie et du multipartisme. Avec leurs millions d’adhérents, leurs structures locales, leurs associations liées, ils étaient au centre de la vie politique.

La rupture avec ce système commence dès les années soixante ; elle se développe dans les années quatre-vingt avec  l’appartion des partis écologiques et des nouveaux partis d’extrême droite, l’émergence des mouvements « post-libertaires » remettant en cause les systèmes bureaucratiques et hiérarchiques. En conséquence, la crise éclate au début des années 2000 : les partis sont imperméables aux critiques. Dans le même temps le développement des financements publics (des partis et des assemblées) aboutit à créer un système disposant de gros moyens mais ne répondant pas aux attentes des citoyens ; d’où la perte de confiance, les accusations d’inefficacité et de corruption, l’abandon des partis de gouvernement.

Si, à certains moments, les mouvements sociaux (écologie, droits des femmes) ont été efficaces pour revitaliser les partis politiques, ce n’est plus le cas aujourd’hui : les partis politiques les ont absorbés, ont diminué leur efficacité. On peut penser toutefois qu’il y a encore un potentiel : les techniques informatiques changent la politique ; Internet permet de choisir ses engagements, l‘expression de positions différentes. Le Mouvement 5 étoiles en Italie témoigne bien des changements en cours (et des problèmes) à ce niveau.

Piero IGNAZI enseigne la politique comparée et les systèmes politiques européens à l’Université de Bologne, au département des sciences politiques et sociales. Il a travaillé en particulier sur l’extrême droite en Europe.

Les communs, outils de transition

Mots-clés : Appropriation collective, Propriété

10 mai 2017 • Benjamin Coriat, Pierre Thomé, Marie Chéron

Les « communs », qui perdurent parmi les peuples premiers, sont remis à l’ordre du jour par les travaux d’Elinor Ostrom qui a observé et théorisé la supériorité, du point de vue de l’efficacité, de l’auto-organisation de communautés autour de la préservation de ressources naturelles. Dans le monde numérique contemporain, on compte des communs remarquables : Wikipedia, les logiciels libres, ….
La définition très générale d’Elinor Ostrom « les biens communs (ou simplement communs) sont des ressources, gérées collectivement par une communauté selon une forme de gouvernance qu’elle définit elle-même » recouvre une grande diversité de réalisations, quant à la nature de la ressource (bien matériel ou immatériel), aux objectifs poursuivis (préserver la ressource/ la développer,…), à la dimension de la communauté (d’une communauté locale autour d’une pêcherie aux communs mondiaux que sont les communs numériques), aux modes de gouvernance choisis, …
Les caractéristiques des communs suscitent l’intérêt, à l’heure où l’organisation économique démontre son impuissance à endiguer les dommages environnementaux et sociaux.

Les « communs » ou les « biens communs » apparaissent alors pour Benjamin Coriat comme des instruments novateurs dans la gestion des ressources et l’approfondissement de la démocratie.

Pierre Thomé a travaillé dans l’action sociale. Il est l’auteur de « Créateurs d’utopies » et de « Biens communs, quel avenir ?). Il s’interroge : le concept de « biens communs » peut-il préfigurer un futur post-capitalisme, peut-il participer à un récit politique reconnaissable par le grand public ?

Marie Chéron, membre d’un groupe d’habitat participatif, expose les difficultés à faire accepter, dans les faits, un projet de mixité sociale.

Benjamin CORIAT, professeur d’Université, directeur des programmes de recherche sur les Communs PROPICE et  « Entreprendre en commun « , membre des économistes atterrés.

Discutants : Pierre THOMÉ auteur de l’ouvrage  (Biens) communs, quel avenir ? Un enjeu stratégique pour l’économie sociale et solidaire (Ed. Yves Michel, 2016),
Marie CHÉRON membre d’un groupe d’habitat participatif, responsable mobilité à la Fondation Nicolas Hulot.

Que sont et que font les cadres aujourd’hui ?

20 Avril 2017  • Sophie Pochic

Que sont et que font les « cadres » aujourd’hui ? Les « cadres » ont toujours constitué une catégorie sociale diversifiée ; dans la nomenclature des professions et catégories socio-professionnelles ils sont associés aux professions intellectuelles supérieures ; dans la perception de leur place sociale ils semblent constituer le noyau des « couches moyennes ».

Cette typologie a toujours été problématique et l’est sans doute encore plus aujourd’hui qu’hier, compte tenu de l’évolution des modes de production, de la hausse généralisée de l’évolution des qualifications, des transformations des métiers.

Rencontre-débat avec Sophie Pochic

Sophie Pochic, sociologue, a participé à un réseau de recherche se posant la question de la spécificité de la catégorie « cadres » aujourd’hui.

Les cadres constituent un groupe composite et de plus en plus nombreux (5 millions selon l’INSEE), en augmentation très forte, notamment au niveau des entreprises et du secteur public ; dans certains domaines, comme l’informatique, ils sont particulièrement concentrés ; c’est une catégorie largement féminisée, de plus en plus diplômée, qui « encadre » de moins en moins : les cadres aujourd’hui sont principalement des « experts », qui gèrent des projets, travaillent en réseau, sont gérés sur la base d’objectifs, avec des rémunérations variables. Du coup, ils se sentent de moins en moins « cadres ».

Certes, certaines spécificités demeurent dans le droit du travail, les conventions collectives, leurs droits au moment de la liquidation des retraites ; ils ont une plus forte stabilité d’emploi, sont relativement plus protégés du chômage et de la précarité.

Mais, dans le cadre actuel des nouvelles formes d’organisation du travail (liées à la rationalisation accrue, aux performances financières, au contrôle informatisé du travail…), ils pensent que, dans les faits, et comme pour les autres catégories de travailleurs, leur autonomie, apparemment renforcée au niveau des discours est tronquée, « récusée », « empêchée ».

Sophie POCHIC est sociologue, chargée de recherches au CNRS : au sein du Centre Maurice Halbwachs, elle est responsable de l’équipe PRO (Professions, Organisations, Réseaux). Elle a réalisé des enquêtes sur l’évolution des carrières des cadres, leur engagement syndical et l’égalité femmes-hommes, au sein des entreprises comme des administrations. Avec Paul Bouffartigue et Charles Gadea, elle a notamment publié Cadres, classes moyennes, vers l’éclatement ? (Armand Colin, 2011)

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