La souveraineté populaire est-elle possible ? La question du populisme (1)

Mots-clés : Néolibéralisme

25 Janvier 2017  • Chantal Mouffe

La souveraineté populaire est-elle possible ? La démocratie est maintenant revendiquée haut et fort par la quasi totalité des courants politiques. Pourtant, on ne cesse de parler de l’approfondissement de la « crise démocratique » et la distance entre les citoyen(e)s et les élus s’accroît sans cesse. Quelles sont les raisons de cette situation ? Comment redonner un contenu à la notion de souveraineté populaire et au mot « démocratie » dont on ne sait plus aujourd’hui ce qu’il recouvre réellement ? Le populisme est-il la réponse à cette situation ?

Rencontre-débat organisée par la Fondation Copernic, la Fondation Gabriel Péri et l’Institut Tribune Socialiste  dans le cadre de leur séminaire commun : « Qu’est-ce qui fait débat à gauche aujourd’hui ? »

Chantal MOUFFE constate que l’idée de souveraineté populaire, qui avait été déclarée obsolète à l’âge de la mondialisation, fait un retour en force dans les discours qu’on dit populistes, tant de droite (Brexit, Trump, Le Pen…) que de gauche (Sanders, Podemos, Mouvement 5 étoiles…). Pourquoi ?

Parce qu’il s’agit d’une manifestation de résistance face à la situation post-démocratique qui est le produit de trente ans d’hégémonie néo-libérale : la tension entre la tradition démocratique (souveraineté populaire, défense de l’égalité) et la tradition politique libérale (défense de l’État de droit, séparation des pouvoirs, défense des libertés) n’existe plus : tout ce qui a à voir avec la tradition démocratique a disparu. D’où une situation de « consensus » (il n’y a pas d’alternative à la globalisation néo-libérale), et dans le même temps un processus d’oligarchisation des sociétés (accroissement et concentration des inégalités).

Le moment populiste est l’expression d’une réaction contre le moment post-démocratique, un appel pour redonner un caractère démocratique à nos sociétés, refuser la liquidation des souverainetés par le néo-libéralisme.

Les populismes se construisent différemment. Le populisme de droite est construit comme une communauté nationale et sans volonté d’égalité. Le populisme de gauche a pour objectif de fédérer toute une série de demandes démocratiques, diverses, hétérogènes, afin de promouvoir l’égalité et de radicaliser la démocratie ; il est pluraliste, repose sur des chaînes d’équivalences, suppose des affects communs symbolisant non l’identité mais l’unité.

La seule façon de lutter contre le populisme de droite, c’est un populisme de gauche.

Chantal MOUFFE est philosophe. Sa réflexion s’articule notamment autour de l’idée de « démocratie radicale ». Elle a publié récemment : L’illusion du consensus (Albin Michel)

 

La souveraineté populaire est-elle possible ? La question du populisme (2)

25 Janvier 2017  • Pierre Khalfa

La souveraineté populaire est-elle possible ? La question du populisme est la question que se pose Pierre Khalfa dans le cadre de la rencontre-débat organisée par la Fondation Copernic, la Fondation Gabriel Péri et l’Institut Tribune Socialiste  dans le cadre de leur séminaire commun : « Qu’est-ce qui fait débat à gauche aujourd’hui ? »
La crise démocratique que nous vivons est  liée à la conjonction de deux phénomènes actuels : la domination du consensus néo-libéral qui exclut du débat et des discussions citoyennes toute une série de sujets, et la montée, partout, des lois sécuritaires. Plus profondément elle est liée à la mise en place, depuis le XVIII° siècle, de systèmes représentatifs dont l’objectif explicite était de contrer la démocratie. Toutefois, aux XIX° et XX° siècles, le développement  du suffrage universel, la montée en puissance du mouvement ouvrier, la reconnaissance de droits fondamentaux et sociaux, l’existence d’espaces publics, vont permettre d’autres développements de la démocratie. Ce sont ces éléments qui sont rentrés en crise dans les années 1970.

On peut considérer que « souveraineté populaire » et « démocratie » sont des équivalents. L’objectif est de créer des institutions qui permettent la participation de toutes et tous à tout pouvoir existant, de décider et de participer à tout ce qui les concerne. Sur ce  plan la démocratie n’est pas simplement un système institutionnel, et la notion d’égalité est à la fois un présupposé et une visée.

Le terme de populisme sert, le plus souvent, dans les débats actuels à stigmatiser ceux qui refusent l’ordre dominant ; on ne peut pas accepter ce type de manoeuvre politique. Pour autant on peut avoir des raisons pour ne pas se réclamer du populisme, non seulement parce qu’il entretient une confusion (avec le populisme d’extrême-droite) voulue par nos adversaires, mais surtout parce qu’il aboutit à réduire tous les antagonismes à un seul (hier le capital/le travail, aujourd’hui le peuple/les élites). Il faut plutôt envisager de bâtir des convergences stratégiques sur des projets communs avec un imaginaire commun.

Pierre KHALFA est économiste, coprésident de la Fondation Copernic, membre du Conseil scientifique d’Attac.)

Le revenu universel – Baptiste Mylondo

Mots-clés : Allocations, Économie, Emploi, Impôt

7 Décembre 2016 • Baptiste Mylondo

Le revenu universel fait débat aujourd’hui, à droite comme à gauche, comme hier, notamment en 1987,  à gauche et plus particulièrement au sein du PSU. Compte tenu du développement des richesses… et des inégalités, des mutations économiques et sociales en cours, l’idée d’un revenu de base, d’un revenu universel permettant à chacun-e d’avoir tout au long de sa vie les moyens de vivre, quels que soient les aléas de son existence, est, semble-t-il de plus en plus largement partagée. Mais entre une vision émancipatrice et égalitaire et une réforme limitée des aides sociales, tout le monde ne parle pas de la même chose.
Baptiste MYLONDO, enseignant en économie et philosophie politique appartient au collectif Utopia ; il défend le revenu universel avec le collectif « Pour un Revenu Social » (POURS). Pour lui, le revenu universel est une proposition audacieuse, désirable, innovante, susceptible de changer la vie. Dans son intervention il présente les différents projets de revenu universels : ceux de droite, ceux de gauche, ceux qui ne sont ni de droite ni de gauche. A gauche, il observe deux types de démarches : l’une fondée sur le droit au revenu, l’autre fondée sur la reconnaissance du fait que tout le monde, quelles que soient ses activités, participent à l’enrichissement collectif. C’est cette deuxième démarche qu’il soutient, démarche articulée à l’extension du champ de la gratuité, à la remise en cause de la spéculation lucrative, au plafonnement des revenus ; ce n’est donc pas une proposition libérale mais un projet revendiquant un droit au travail libéré du devoir d’emploi.

Une Rencontre-débat organisée par la Fondation Copernic, la Fondation Gabriel Péri et l’Institut Tribune Socialiste  dans le cadre de leur séminaire commun : « Qu’est-ce qui fait débat à gauche aujourd’hui? »

Le revenu universel – Stéphanie Treillet

Mots-clés : Économie, Emploi, Impôt, Temps de travail

7 Décembre 2016 • Stéphanie Treillet

Le revenu universel : comment le financer ? Comment s’inscrit-il dans le contexte social et politique d’aujourd’hui ?
Stéphanie TREILLET Économiste, membre de la fondation Copernic, considère que les propositions de revenu universel, présentées par Baptiste Mylondo (pour un revenu inconditionnel) présentent les mêmes risques que les propositions que font certains néo-libéraux, et que l’on ne peut pas faire abstraction du contexte politique, économique et social dans lequel elles s’inscrivent. Elles reposent sur un diagnostic erroné : la fin du travail, qui serait notamment liée aux innovations technologiques. Pour elle, la diminution de la durée légale de travail est le résultat des luttes sociales collectives. Et aujourd’hui encore le travail rémunéré est le principal vecteur d’intégration sociale. Les coûts de mise en œuvre d’un revenu universel correspondant à peine au niveau du seuil de pauvreté sont équivalents à l’ensemble des budgets de protection sociale. Et l’on peut se demander si le revenu universel n’entérinerait pas la dualisation de la société et, notamment pour les femmes, s’ajoutant à l’extension du temps partiel, ne remettrait pas en cause le droit à un emploi à temps plein, condition de leur autonomie.

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