Cette rencontre s’inscrit, à la suite des rencontres-débats sur les questions du lien social et de la démocratie dans le cadre des réflexions que l’Institut Tribune Socialiste a entreprises sur les mouvements qui participent aux transformations de la société actuelle. Il s’agit ici de réfléchir sur les évolutions du mouvement féministe
Françoise Picq participe depuis 40 ans au Mouvement féministe. Dans les années 70 le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) a été la forme particulière du féminisme dans le contexte français d’après 68. Il reposait sur une conception large du politique (tout est politique, y compris le domaine « personnel »), une volonté radicale (il ne s’agit pas simplement d’améliorer le condition des femmes, il faut changer la société), utopique (tout est possible, tout peut changer), et messianique (la libération des femmes participe de la libération de l’humanité entière). Le MLF a donc inventé une nouvelle façon de militer : la libération en actes.
Aujourd’hui le contexte géopolitique est différent ; il y a filiation, donc continuité / rupture, avec le mouvement des années 70. Le féminisme est devenu une cause commune, qui peut reposer plus sur la concertation que sur la contestation. De nouvelles questions apparaissent : parité ou identité ?
Françoise PICQ est docteure en science politique, enseignante-chercheuse (université Paris Dauphine, IRISSO). Elle a participé au Mouvement de libération des femmes et au développement des études féministes-de genre (ANEF – Association nationale des études féministes). Elle a publié, notamment, Libération des femmes, quarante ans de mouvement, aux Éditions Dialogues, en 2011.
Anne-Cécile Mailfert a été porte-parole d’Osez le féminisme ; elle est aujourd’hui présidente de la Fondation des femmes.
Elle se situe en filiation par rapport aux féministes de la génération précédente, mais dans un contexte qui, a évolué. Certes le féminisme est plus reconnu, plus accepté qu’auparavant, et les droits des femmes ont progressé ; mais le patriarcat a aussi été capable de s’adapter, de reprendre les discours de l’égalité – par exemple sous le couvert de la paternité – ou de la libération sexuelle pour tenter de re-soumettre les femmes.
L’enjeu, au XXI° siècle, dans le cadre de l’évolution de la démocratie, des médias, des partis politiques…, est de placer les femmes au cœur de la vision du monde de demain, en prenant en compte tous les domaines, notamment l’environnement, l’écologie, les sciences et les évolutions technologiques. La Fondation des femmes a pour ambition de soutenir les mouvements féministes, les mouvements qui ont des réalisations concrètes, de faire en sorte que les lois votées s’appliquent… pour « remplir les promesses de l’égalité ».
Anne-Cécile MAILFERT est militante féministe. Elle été porte-parole d’Osez le féminisme de 2013 à mai 2015. Elle a travaillé dans le domaine de l’entrepreneuriat social, et vient de monter le projet de Fondation des femmes, avec la volonté de rassembler le plus de monde possible, citoyens, mécènes, chef-fes d’entreprises, artistes, afin de soutenir les associations qui oeuvrent pour l’égalité femmes-hommes en posant la question des moyens alloués à leurs combats. Elle vient de publier « Ils ne décideront plus pour nous » aux Editions Les Petits Matins.
Le revenu universel : comment le financer ? Comment s’inscrit-il dans le contexte social et politique d’aujourd’hui ?
Stéphanie TREILLET Économiste, membre de la fondation Copernic, considère que les propositions de revenu universel, présentées par Baptiste Mylondo (pour un revenu inconditionnel) présentent les mêmes risques que les propositions que font certains néo-libéraux, et que l’on ne peut pas faire abstraction du contexte politique, économique et social dans lequel elles s’inscrivent. Elles reposent sur un diagnostic erroné : la fin du travail, qui serait notamment liée aux innovations technologiques. Pour elle, la diminution de la durée légale de travail est le résultat des luttes sociales collectives. Et aujourd’hui encore le travail rémunéré est le principal vecteur d’intégration sociale. Les coûts de mise en œuvre d’un revenu universel correspondant à peine au niveau du seuil de pauvreté sont équivalents à l’ensemble des budgets de protection sociale. Et l’on peut se demander si le revenu universel n’entérinerait pas la dualisation de la société et, notamment pour les femmes, s’ajoutant à l’extension du temps partiel, ne remettrait pas en cause le droit à un emploi à temps plein, condition de leur autonomie.