Regards sur les mouvements sociaux de transformation : les évolutions du mouvement féministe

23 février 2017 • Françoise Picq, Anne-Cécile Mailfert

Cette rencontre s’inscrit, à la suite des rencontres-débats sur les questions du lien social et de la démocratie dans le cadre des réflexions que l’Institut Tribune Socialiste a entreprises sur les mouvements qui participent aux transformations de la société actuelle. Il s’agit ici de réfléchir sur les évolutions du mouvement féministe

Françoise Picq participe depuis 40 ans au Mouvement féministe. Dans les années 70 le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) a été la forme particulière du féminisme dans le contexte français d’après 68. Il reposait sur une conception large du politique (tout est politique, y compris le domaine « personnel »), une volonté radicale (il ne s’agit pas simplement d’améliorer le condition des femmes, il faut changer la société), utopique (tout est possible, tout peut changer), et messianique (la libération des femmes participe de la libération de l’humanité entière). Le MLF a donc inventé une nouvelle façon de militer : la libération en actes.

Aujourd’hui le contexte géopolitique est différent ; il y a filiation, donc continuité / rupture, avec le mouvement des années 70. Le féminisme est devenu une cause commune, qui peut reposer plus sur la concertation que sur la contestation. De nouvelles questions apparaissent : parité ou identité ?

Françoise PICQ est docteure en science politique, enseignante-chercheuse (université Paris Dauphine, IRISSO). Elle a participé au Mouvement de libération des femmes et au développement des études féministes-de genre (ANEF – Association nationale des études féministes). Elle a publié, notamment, Libération des femmes, quarante ans de mouvement, aux Éditions Dialogues, en 2011.

Anne-Cécile Mailfert a été porte-parole d’Osez le féminisme ; elle est aujourd’hui présidente de la Fondation des femmes.

Elle se situe en filiation par rapport aux féministes de la génération précédente, mais dans un contexte qui, a évolué. Certes le féminisme est plus reconnu, plus accepté qu’auparavant, et les droits des femmes ont progressé ; mais le patriarcat a aussi été capable de s’adapter, de reprendre les discours de l’égalité – par exemple sous le couvert de la paternité – ou de la libération sexuelle pour tenter de re-soumettre les femmes.

L’enjeu, au XXI° siècle, dans le cadre de l’évolution de la démocratie, des médias, des partis politiques…, est de placer les femmes au cœur de la vision du monde de demain, en prenant en compte tous les domaines, notamment l’environnement, l’écologie, les sciences et les évolutions technologiques. La Fondation des femmes a pour ambition de soutenir les mouvements féministes, les mouvements qui ont des réalisations concrètes, de faire en sorte que les lois votées s’appliquent… pour « remplir les promesses de l’égalité ».

Anne-Cécile MAILFERT est militante féministe. Elle été porte-parole d’Osez le féminisme de 2013 à mai 2015. Elle a travaillé dans le domaine de l’entrepreneuriat social, et vient de monter le projet de Fondation des femmes, avec la volonté de rassembler le plus de monde possible, citoyens, mécènes, chef-fes d’entreprises, artistes, afin de soutenir les associations qui oeuvrent pour l’égalité femmes-hommes en posant la question des moyens alloués à leurs combats. Elle vient de publier « Ils ne décideront plus pour nous » aux Editions Les Petits Matins.

Les nouveaux mouvements sociaux : les expressions populaires dans l’espace public

Mots-clés : démocratie directe, Nuit debout, Pouvoir citoyen, réseaux sociaux

Jeudi 2 février 2017 • Gaël Brustier

Une des caractéristiques marquantes des « nouveaux mouvements » qui se sont développés un peu partout dans le monde ces dernières années tient sans doute à la façon dont ces mouvements ont fait de l’occupation de l’espace public le lieu principal des mobilisations. Il ne s’agit pas d’un simple changement de décor. Quelles sont les  conséquences de ce déplacement sur les formes, les contenus, les objectifs des mobilisations ?

Gaël Brustier s’est intéressé aux manifestations qui, récemment, ont fait de l’occupation de l’espace public le lieu principal des mobilisations : la Manif pour tous, puis Nuit Debout. Il voit dans ces mobilisations le symptôme d’une crise de régime politique : la révolte de certains groupes sociaux (les jeunes catholiques dans le cas de la Manif pour tous, les intellectuels diplômés mais précaires dans le cas de Nuit Debout) qui soudain ne sont plus parties prenantes du consensus qui avait jusqu’alors constitué la base du fonctionnement du régime de la V° République.

On peut faire le parallèle entre Nuit Debout et le mouvement des places en Espagne, en Grèce, voire en Italie, trouver des accents communs avec les forums mondiaux, des mouvements d’Amérique latine…

Les élites militantes ont parfois contesté la légitimité de Nuit Debout. On peut pourtant y voir une tentative de politisation de groupes sociaux, nés au coeur des bastions de la social-démocratie connectée à la mondialisation, capables d’aborder un grand nombre de thèmes, au croisement de préoccupations matérielles et non matérielles… mais sans stratégie ni relai politique. Pour Gael Brustier Nuit Debout témoignerait que l’on est entré dans une phase de crise politique aiguë, d’une volonté de subversion de la social-démocratie.

Gaël BRUSTIER, docteur en sciences politiques a publié notamment : Le Mai 68 conservateur : que restera-t-il de la Manif pour tous ? (Le Cerf, 2014), A demain Gramsci (Le Cerf, 2015), et Nuit debout : que penser ? (Le Cerf, 2016).

Les entreprises, acteurs politiques : enjeux pour la démocratie

Mots-clés : Contrôle populaire, Démocratie sociale, Économie sociale, Mondialisation

1er février 2017 • Michel Capron

Les entreprises, en particulier les multinationales sont de plus en plus des acteurs politiques sans pour autant être au coeur des débats politiques sur l’avenir de la démocratie. Ces entreprises ont développé un méta-pouvoir. De grandes entreprises n’hésitent pas à dire qu’en l’absence d’une gouvernance interétatique mondiale, la survie de la planète dépend de leurs actions volontaires.

Certains cercles universitaires estiment que l’investissement de la sphère politique par les entreprises est une conséquence inévitable du processus de mondialisation/libéralisation des échanges ; (notamment dans le cas d’Etat défaillant), elles auraient acquis la légitimité de participer à tous les processus de prise de décisions publiques, voire de gouverner le monde.
La résignation semble gagner les milieux critiques. L’affaiblissement du politique et des moyens de l’Etat leur donnent, en apparence, raison, mais faut-il se résigner à ce que les autorités publiques (nationales et internationales) soient les accompagnateurs de décisions prises en dehors de toute instance démocratique reconnue comme telle ? La puissance publique a-t-elle encore la volonté et les moyens d’encadrer les activités économiques et de limiter leurs effets les plus dévastateurs ou bien n’en est-elle que l’auxiliaire ? Comment l’intervention citoyenne peut-elle constituer un contrepoids et quels sont les acteurs de la société civile ayant la légitimité d’exercer un contrôle sur les entreprises ?

Rencontre avec Michel CAPRON

Michel Capron observe que les multinationales qui façonnent modes de production et modes vie ne sont pas confrontées à de véritables contre pouvoirs permanents. Certes, depuis longtemps elles jouent un rôle politique important. Mais aujourd’hui elles revendiquent ouvertement un rôle dans le règlement des problèmes de la planète : elles ont des idées sur un nouvel ordre international, veulent fixer les modalités et les limites du contrôle des pouvoirs publics, considèrent qu’elles représentent l’intérêt général. Ces points de vue sont largement partagés, présentés comme une conséquence inéluctable de la mondialisation : l’ONU admet la Chambre International du Commerce au titre d’ONG !
Agir contre cette situation suppose de bien analyser le phénomène, d’engager la bataille sur le plan des idées, de développer des contre-pouvoirs et des contrôles, de s’appuyer éventuellement sur des administrateurs indépendants dans les sociétés anonymes.

Michel CAPRON, professeur émérite des Universités en sciences de gestion, co-auteur (avec F. Quairel) de L’entreprise dans la société. Une question politique (La Découverte, 2015)

 

Multinationales et démocratie

Mots-clés : démocratie économique

1er Février 2017 • Olivier Petitjean

Multinationales et démocratie sont deux termes antinomiques comme le démontre la rencontre débat organisée par l’Institut Tribune Socialiste le 1er Février 2017. Une rencontre entre Michel Capron, Gérard Duménil et Olivier Petitjean.

Olivier Petitjean est co-fondateur et responsable de l’Observatoire des multinationales, site indépendant d’information et d’investigation consacré aux grandes entreprises françaises.

Si, globalement, on ne peut pas dire que les multinationales veulent prendre le pouvoir politique, il n’en reste pas moins qu’elles entendent bien que le pouvoir politique ne gêne pas le pouvoir économique. Dans les faits, soit que l’Etat réduise délibérément  ses possibilités de manoeuvre, soit que les multinationales jouant sur leur extraterritorialité échappent aux règles nationales, l’appareil démocratique formel traditionnel continue à exister, mais il est vidé de sa substance dans la mesure où les discussions se prennent dans d’autres lieux et dans d’autres circuits.

La démocratie économique est le point faible de nos systèmes démocratiques, qu’il s’agisse de la démocratie dans l’entreprise, du pluralisme des entreprises, des discussions sur les grands projets d’infrastructures et des choix de modèles de société, de développement.

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