Que sont et que font les cadres aujourd’hui ?

20 Avril 2017  • Sophie Pochic

Que sont et que font les « cadres » aujourd’hui ? Les « cadres » ont toujours constitué une catégorie sociale diversifiée ; dans la nomenclature des professions et catégories socio-professionnelles ils sont associés aux professions intellectuelles supérieures ; dans la perception de leur place sociale ils semblent constituer le noyau des « couches moyennes ».

Cette typologie a toujours été problématique et l’est sans doute encore plus aujourd’hui qu’hier, compte tenu de l’évolution des modes de production, de la hausse généralisée de l’évolution des qualifications, des transformations des métiers.

Rencontre-débat avec Sophie Pochic

Sophie Pochic, sociologue, a participé à un réseau de recherche se posant la question de la spécificité de la catégorie « cadres » aujourd’hui.

Les cadres constituent un groupe composite et de plus en plus nombreux (5 millions selon l’INSEE), en augmentation très forte, notamment au niveau des entreprises et du secteur public ; dans certains domaines, comme l’informatique, ils sont particulièrement concentrés ; c’est une catégorie largement féminisée, de plus en plus diplômée, qui « encadre » de moins en moins : les cadres aujourd’hui sont principalement des « experts », qui gèrent des projets, travaillent en réseau, sont gérés sur la base d’objectifs, avec des rémunérations variables. Du coup, ils se sentent de moins en moins « cadres ».

Certes, certaines spécificités demeurent dans le droit du travail, les conventions collectives, leurs droits au moment de la liquidation des retraites ; ils ont une plus forte stabilité d’emploi, sont relativement plus protégés du chômage et de la précarité.

Mais, dans le cadre actuel des nouvelles formes d’organisation du travail (liées à la rationalisation accrue, aux performances financières, au contrôle informatisé du travail…), ils pensent que, dans les faits, et comme pour les autres catégories de travailleurs, leur autonomie, apparemment renforcée au niveau des discours est tronquée, « récusée », « empêchée ».

Sophie POCHIC est sociologue, chargée de recherches au CNRS : au sein du Centre Maurice Halbwachs, elle est responsable de l’équipe PRO (Professions, Organisations, Réseaux). Elle a réalisé des enquêtes sur l’évolution des carrières des cadres, leur engagement syndical et l’égalité femmes-hommes, au sein des entreprises comme des administrations. Avec Paul Bouffartigue et Charles Gadea, elle a notamment publié Cadres, classes moyennes, vers l’éclatement ? (Armand Colin, 2011)

Les cadres aujourd’hui

Mots-clés : Organisation du travail, Temps de travail

20 Avril 2017 • Jean-Claude Barboul

Les cadres d’aujourd’hui sont des salariés à part entière mais pas tout à fait comme les autres, comme l’explique Jean-Claude Barboul, Secrétaire Général des cadres CFDT.

Pour les cadres, le CDI n’est pas forcément leur seul horizon, ils travaillent de plus en plus hors de l’entreprise, sont rémunérés de façon particulière (soit hors RTT, soit sur la base du forfait-jour), et vivent de plus en plus une interpénétration de la vie professionnelle et de la vie privée (d’autant que le milieu s’est fortement féminisé).

Dans les pays européens, on parle de « professionnels » et de « managers », ce qui recouvre en fait mieux leurs activités. La « révolution numérique » impacte fortement leur travail, dans la façon de le concevoir, et dans les modes de contrôle. Ils ressentent fortement une injonction paradoxale à l’autonomie qui suppose un engagement important dans l’activité de l’entreprise mais sans que, dans le même temps, la gouvernance de l’entreprise ait été modifiée et que des lieux existent pour le dialogue professionnel. D’où leur forte demande de possibilité réelle d’autonomie et de regard critique.

Jean-Claude BARBOUL est secrétaire Général des cadres CFDT. Il a exercé différentes fonctions dans le domaine de la protection sociale et de l’emploi. Il est administrateur des régimes de retraite complémentaire Agirc-Arrco et du groupe Ag2r La Mondiale. Il a publié notamment Vers de nouveaux droits pour les cadres -reconnaître la fonction de management et de l’expertise, Revue CFDT n° 465-466, 2015.

Fin du travail ou plein emploi ? (1)

Mots-clés : Chômage, Emploi, Revenu universel

22 Mars 2017 • Raphaël Liogier

Se dirige-t-on vers la fin du travail, Le plein emploi peut-il encore être un objectif ?

Une rencontre débat avec Raphaël Liogier et Sabina ISSEHNANE  dans le cadre du cycle des séminaires FACE AUX GRANDES TENDANCES DU CAPITALISME CONTEMPORAIN QUE PEUT ETRE AUJOURD’HUI UNE POLITIQUE « A GAUCHE » ? 10ème séminaire

Raphaël Liogier est sociologue et philosophe. Pour lui le plein emploi est certes possible, mais est-il vraiment désirable ?
Il pense qu’il faut sortir d’un vocabulaire économique qui nous empêche de voir ce qui se passe dans le réel. Ainsi en est-il, pour lui, de la notion d’emploi, qui passe à côté du fait que la valeur se crée dans ce qui donne un sens à notre vie. Aujourd’hui il est possible de produire plus avec moins de travail ; avec les techno-sciences nous pouvons produire de plus en plus de richesses tout en réduisant les coûts et les efforts humains nécessaires.
Raphaël Liogier propose notamment trois pistes permettant de transformer l’ensemble de la société où l’accroissement de la prospérité n’aille pas de pair avec l’accroissement de l’exclusion :

– un revenu d’existence, à un haut niveau financier, permettant à toutes-tous de se distinguer non sur la base de contraintes mais sur la base de désirs ;

– la remise en cause d’un droit du travail fondé sur les diversités d’emplois et non sur le développement d’un champ d’activités multiples ;

– des mesures fiscales : impôt progressif sur le capital, abolition de l’impôt sur le revenu, recomposition de la TVA dans le sens d’une TVA vraiment sociale et écologique.

Raphaël LIOGIER est philosophe, professeur à Sciences Po Aix-en-Provence et, à Paris, au Collège international de philosophie. Ses recherches portent sur les croyances, la globalisation, la laïcité, les conséquences éthiques et sociales de l’évolution des technosciences. Il a publié récemment :  Sans emploi. Condition de l’homme post-industriel (Les Liens qui Libèrent, 2016)

Fin du travail ou plein emploi ? (2)

Mots-clés : Chômage, Pauvreté, Productivité, Temps de travail

22 Mars 2017 • Sabina ISSEHNANE

Fin du travail ou plein emploi ? Une rencontre débat avec Raphaël Liogier et Sabina ISSEHNANE  dans le cadre du cycle des séminaires FACE AUX GRANDES TENDANCES DU CAPITALISME CONTEMPORAIN QUE PEUT ETRE AUJOURD’HUI UNE POLITIQUE « A GAUCHE » ? 10ème séminaire

Sabina Issehnane est économiste. Elle constate que beaucoup d’affirmations faites par certains économistes (l’informatisation entraîne des gains de productivité, le chômage est une conséquence de ces gains de productivité…) n’ont pas, dans les faits, été constatées voire ont été démenties. Les « Trente Glorieuses » ont  été une période à la fois de gains de productivité et de plein emploi. Dans les deux derniers siècles la productivité du travail a été multipliée par trente, la production par vingt-six, et la durée individuelle du travail a été divisée par deux.
L’avenir est donc pour le moins incertain !
Et le présent nous montre que le chômage n’est pas lié à l’accroissement de la productivité mais plutôt au partage de la valeur ajoutée qui s’est fait en faveur du capital et au détriment du travail.

Aujourd’hui la question est de savoir comment diviser le travail : de manière individuelle (contrats courts, précaires, temps partiels…) avec accroissement de la pauvreté, ou partage collectif via une régulation collective du temps de travail : abaissement de l’âge légal du départ à la retraite, diminution de la durée hebdomadaire du travail, augmentation des congés payés…

Certes l’emploi peut être source d’aliénation, mais il est aussi facteur d’émancipation dans la mesure où il permet à chacun.e de subvenir à ses besoins.

Au-delà de toutes ces questions se pose donc l’enjeu du projet de société que l’on veut construire.

Sabina ISSEHNANE est maître de conférences à l’Université Rennes 2 et chercheure associée au Centre d’études de l’emploi. Ses domaines de recherche sont l’économie du travail et l’économie de l’éducation, plus particulièrement l’insertion des jeunes, les transitions formation-emploi, les politiques de l’emploi et de formation professionnelle. Elle est coauteure de Le plein emploi, c’est possible ! (Syllepse, 2016).

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